La Géométrie Sacrée – Le secret de l'Étoile Flamboyante

Sous la plume de Marc Halévy, La Géométrie Sacrée – Le secret de l’Étoile Flamboyante n’est pas tant un livre qu’un rite silencieux. Il ne se lit pas : il se traverse, comme on franchit un seuil, comme on entre dans un Temple. Ce n’est pas un exposé sur une science ou un art : c’est l’ouverture d’un chemin. Chemin d’éveil, de contemplation, d’architecture intérieure. Le texte se déploie comme un tracé lumineux sur la planche à tracer, révélant à qui sait voir les figures d’un monde principiel, où la forme est verbe et où le trait devient souffle. À mesure que nous tournons les pages, nous ne parcourons pas un manuel : nous vivons une initiation.

Avant même d’ouvrir l’ouvrage, le lecteur est placé sous le signe d’un symbole. La première de couverture reproduit en effet le célèbre tableau Luca Pacioli et son élève, attribué à Jacopo de’ Barbari (v. 1495). Ce choix iconographique n’est pas anodin. Il établit d’emblée le ton de l’œuvre : celui d’un pont jeté entre science et spiritualité, entre le visible et l’invisible, entre la forme et l’Essence. Le moine franciscain Luca Pacioli, mathématicien et géomètre, incarne ici l’idéal de l’homme de savoir au seuil du mystère. En traçant une figure géométrique au compas, il reproduit le geste du Grand Architecte de l’Univers, liant la terre au ciel, le fini à l’infini. Son regard détaché, presque absent, indique que ce qu’il montre n’est pas l’aboutissement, mais le passage. À sa gauche, suspendu dans l’air, un polyèdre transparent – probablement un rhomboèdre tronqué, évoquant les solides platoniciens – représente la quête de perfection et de transparence spirituelle. Comme l’Étoile Flamboyante dans le Temple, il scintille entre visible et invisible. Sur la table : instruments de mesure, règle, compas, sphère, mais aussi encrier et carnet, rappellent que le savoir ne vaut que s’il est transmis. Le jeune élève, attentif, incarne cette transmission, la filiation initiatique.

Enfin, la robe grise du maître, presque monastique, suggère l’humilité du cheminant sur la voie de la Connaissance. Derrière la rigueur mathématique, se tient une quête d’ordre cosmique et de Vérité, une recherche de l’harmonie divine par les Arts Libéraux. Ce tableau, choisi pour illustrer la couverture du livre de Marc Halévy, devient ainsi la première planche tracée du lecteur. Avant même d’entrer dans le texte, celui-ci est convié à une scène de transmission, de silence et de lumière. Une scène d’initiation. Car, comme le démontre Halévy avec force et clarté, la Géométrie sacrée n’est pas une science morte, mais une langue vivante – et ce tableau, déjà, en murmure les premiers mots. Marc Halévy ne parle pas en savant, mais en Maître d’œuvre. Il ne théorise pas depuis une chaire, il trace en silence, au cœur du chantier sacré. Depuis ce lieu ancien où la Géométrie n’était pas encore une abstraction mathématique, mais une voie opérative, un art sacré, il nous rappelle que la ligne droite, le cercle, la spirale ne sont pas que formes : elles sont paroles. Et chaque parole est appel. Appel du réel vers le divin, du visible vers l’invisible, de la matière vers l’Esprit. Il nous parle depuis ce seuil où le symbolisme des bâtisseurs devient langage du cosmos, où l’outil se fait oraison, et la proportion révélation. L’interrogation initiale – « Qu’est-ce que la Géométrie sacrée ? » – est posée, mais elle est aussitôt transmutée. Ce n’est pas une question conceptuelle : c’est une porte. Et Halévy, en alchimiste des idées, en brise les gonds pour nous livrer un double secret. Ce qu’il nomme Géométrie n’est pas la simple étude des figures : c’est l’intuition des structures profondes de l’Être. Ce qu’il nomme Sacré n’est pas un dogme : c’est une Présence, une tension vers l’Absolu, un axe invisible autour duquel s’organise toute forme véritable. Là où ces deux forces se rencontrent, il ne reste plus qu’à écouter. Car ce n’est plus une définition, mais une conjonction — et c’est précisément cela, l’initiation. Chaque page de l’ouvrage est une pierre posée sur le chemin de la Sagesse. Chaque chapitre, un degré gravé sur l’échelle de Jacob. Loin des catégorisations mortes, Halévy navigue entre analyse et vision, rigueur et souffle, raison et mystère. Il redonne à la Géométrie sa dimension première : ontologique, cosmique, théophanique. La Forme n’est plus ici décor : elle devient épiphanie. Le Carré, le Triangle, le Cercle, le Pentagramme – ces figures que nous traçons sur nos Tapis – redeviennent ce qu’elles n’auraient jamais dû cesser d’être : des miroirs de l’Être et des arches de conscience. Mais il fallait deux pierres supplémentaires pour parachever l’édifice : deux pages où l’auteur se fait plus encore initié que philosophe, Franc-Maçon plus que penseur. Et ces pierres, posées comme des joyaux au sommet de la voûte, révèlent la véritable nature du Temple. La Franc-Maçonnerie, nous dit-il, est initiation à la Géométrie : non celle des manuels, mais celle du Grand Architecte de l’Univers. La progression initiatique elle-même – de l’Apprenti silencieux au Maître constructeur – devient lecture incarnée de la Géométrie sacrée. L’Apprenti taille le silence, le Compagnon trace la lumière, le Maître édifie la conscience. Et chaque étape est une figure. Non pas figée, mais vivante. Non pas conceptuelle, mais opérative. Une géométrie de l’être.

Dans une admirable concision, Marc Halévy nous offre là une synthèse bouleversante du Grand Œuvre maçonnique : l’élaboration d’un Temple intérieur par l’harmonisation des matières de perfection. À travers les nombres et les formes, il montre que l’univers tout entier est en devenir, fractal et vivant, fait d’impermanence ordonnée, de chaos sacré. Le monde n’est pas figé ; il est pulsation. Dieu n’est pas mécanique ; Il est rythme. Et c’est pourquoi, sur nos planches, lorsque nous traçons ces figures primordiales – le carré, le cercle, la spirale – nous ne dessinons pas un ornement : nous révélons une loi. Ainsi, le livre tout entier devient Loge ouverte. Le tapis de Loge y est déroulé non en imitation, mais en essence. Le lecteur, qu’il le sache ou non, suit un rite. Non celui des rituels imprimés, mais celui d’un tracé de lumière dans l’obscurité profane. Et ce tracé mène au feu. Car le secret de l’Étoile Flamboyante n’est pas dans sa forme : il est dans son incendie. Et ce feu, Marc Halévy le transmet avec cette clarté rare qui ne brûle pas, mais éclaire ; qui ne consume pas, mais féconde. Son œuvre, nourrie d’une pensée complexe et limpide, s’enracine dans la tradition hermétique. Physicien de formation, philosophe de vocation, Marc Halévy – né en 1953 – a consacré sa vie à déployer les ponts entre la science et la spiritualité, entre le multiple et l’Un. Mais c’est dans ses recherches sur les lettres hébraïques, la structure du temps, le symbolisme opératif ou la Géométrie sacrée qu’il touche à la densité initiatique. Marc Halévy est un passeur : il nous tend le compas pour tracer non un plan, mais une trajectoire. La Géométrie Sacrée n’est ni une somme, ni un manuel. C’est une pierre de voûte. À nous, Frères, Compagnons et Maîtres, d’en contempler les proportions, d’en éprouver la charge, d’en méditer les feux. Car toute géométrie véritable renvoie au Centre. Et ce centre, invisible, brûlant, silencieux, c’est notre propre cœur – lorsqu’il devient miroir du cosmos.

Il ne s’agit donc pas de comprendre, mais d’être saisi. Non d’expliquer, mais d’éveiller. Comme les Anciens, Marc Halévy nous tend un compas – non pour mesurer, mais pour nous orienter. Vers la Lumière. Vers l’unité perdue. Vers l’Étoile. Et si, au fond, la Géométrie sacrée était moins une science qu’une prière ? La Géométrie Sacrée – Le secret de l’Étoile Flamboyante Marc Halevy – Éditions Numérilivre, 2025, 152 pages, 22 €