Les Cahiers Bathilde Vérité n°4 Constellations du désir

Les Cahiers Bathilde Vérité n°4 – Constellations du désir
Sous la direction de Liliane Mirville, ce nouvel opus de la Loge Nationale de Recherche de la Grande Loge Féminine de France (GLFF) révèle les arcanes d’une sagesse oubliée. À travers l’article magistral de Sylvie Pierre, Bathilde d’Orléans devient la figure d’une initiation intérieure, fraternelle et lumineuse.
Cahiers Bathilde Vérité n°4
Cahiers Bathilde Vérité n°4
Dans le miroitement subtil de son titre, Constellations du désir, ce quatrième Cahier de la Loge Nationale de Recherche de la GLFF se présente comme une voûte étoilée : un espace d’élévation intérieure où chaque texte, chaque réflexion, chaque nom, brille d’un éclat singulier, mais forme un tout – une architecture céleste au service de l’initiation et de la liberté de l’esprit. Loin de toute érudition sèche ou de tout catalogue savant, cette œuvre collective dessine une géographie symbolique de l’âme à travers le prisme de l’hermétisme, du néo-platonisme, de l’alchimie, mais aussi du combat pour la pensée vivante, dégagée des dogmes, irriguée par l’éveil intérieur. Dès les premières pages, la préface de Liliane Mirville, actuelle Grande Maîtresse de la Grande Loge Féminine de France, donne à ce volume sa tonalité vibratoire. Elle ne se contente pas d’introduire un recueil d’articles : elle ouvre un champ d’expérience. Son texte, inspiré, nous convie à une traversée du XVIe et XVIIe siècle européens, à la rencontre d’un monde en gestation, celui de l’esprit libre. Loin d’une simple érudition sur les alchimistes ou les spagyristes, elle restitue leur force subversive : Catherine Sforza, Isabella Cortese, Jacob Boehme ou encore Giordano Bruno deviennent les figures tutélaires d’une franc-maçonnerie de l’âme, insoumise aux autorités de leur temps, mais fidèle à l’unité du vivant. Liliane Mirville déploie ainsi une cartographie ésotérique qui va bien au-delà de l’histoire : elle désigne des points de convergence initiatiques. La Prague de Rodolphe II devient Loge visionnaire, creuset hermétique, miroir du Temple intérieur où alchimie, médecine, astrologie et théologie se fondent dans une quête de l’Être. En cette époque troublée, cette préface agit comme un rappel lumineux : l’initiation n’est pas un privilège de l’élite, mais un droit d’éveil, un devoir de lien. La Loge nationale de recherche, dans sa mission contemporaine, s’inscrit pleinement dans cette généalogie du sens, et nous rappelle que le désir, ce feu discret, est moteur de transmutation spirituelle.
Liliane Mirville
Liliane Mirville
Mais parmi toutes les contributions de ce cahier, une pièce centrale s’impose par sa beauté grave, sa clarté fraternelle et sa puissance symbolique : l’article de Sylvie Pierre, intitulé « Échanges épistolaires et cheminement d’une pensée libre, profonde et spirituelle ». Ce texte, véritable pierre d’angle, ne se contente pas d’exhumer une correspondance oubliée : il révèle un trésor initiatique. Sylvie Pierre y fait revivre le dialogue épistolaire entre Bathilde d’Orléans, duchesse de Bourbon, et Michel Ruffin, soldat républicain, entre 1799 et 1813. Ce que nous découvrons ici dépasse largement l’anecdote historique : nous assistons à la genèse d’une fraternité de l’âme, à la naissance d’un compagnonnage spirituel où chaque mot devient outil, chaque lettre, une planche. Bathilde, qui signe ses lettres « Vérité », s’impose alors comme l’une des grandes initiées silencieuses de notre tradition. À travers ses écrits, elle polit les arêtes de l’orgueil, taille les pierres de l’ego, trace les lignes d’une éthique spirituelle exigeante, mais toujours habitée par la douceur. En exil, elle ne s’effondre pas, elle éclaire. Elle ne se lamente pas, elle transmet. Le lecteur maçon se sent alors invité à entrer dans cette Loge invisible, faite de silence et de mots choisis, où la Lumière ne vient ni des décors ni des degrés, mais de la fidélité à l’Idéal.
Plus de détails Portrait de Bathilde d'Orléans par Charles Lepeintre, entre 1765 et 1775.

Plus de détails
Portrait de Bathilde d’Orléans par Charles Lepeintre, entre 1765 et 1775.
Sylvie Pierre, dont l’écriture épouse la sobriété de son sujet, ne fait jamais œuvre d’érudition distante. Elle marche aux côtés de Bathilde. Elle fait sentir le souffle, la fatigue, la tendresse contenue dans ces lettres. Elle montre comment la parole partagée devient sacrement, comment l’échange se fait épreuve de vérité. Bathilde ne prêche pas : elle éclaire. Elle ne juge pas : elle relie. Elle incarne cette pensée libre qui, pour s’exprimer, doit souvent se dissimuler, se travestir, s’écrire dans les interstices de l’histoire. Et c’est là que l’article prend toute sa densité initiatique. Il nous rappelle que la pensée libre ne se proclame pas, elle se conquiert. Que la liberté intérieure n’est pas un don mais une œuvre. Que la fraternité n’est pas une formule mais un engagement. Lorsque Sylvie Pierre cite Bathilde affirmant : « Nous devons nous considérer comme formant qu’un seul corps, qu’une seule âme », nous entendons une parole rituelle, une élévation, un tracé lumineux sur le pavé mosaïque du monde. La métaphore finale, celle de l’architecte construisant un édifice avec des pierres taillées, donne au texte une résonance profondément maçonnique. Bathilde ne parle pas d’individus, mais d’éléments de l’Univers. Elle ne pense pas en termes de morale, mais d’harmonie. La pierre n’est pas l’image du moi, mais celle de l’Humanité transmutée. Et cette vision, que Sylvie Pierre fait vibrer avec finesse et ferveur, est sans doute l’une des plus précieuses que nous puissions aujourd’hui méditer dans nos Loges. À travers cette correspondance, ce n’est pas seulement une femme oubliée qui reprend voix. C’est toute une lignée d’esprits libres, de sœurs cachées, de Frères sans tablier, qui nous rappellent que l’initiation n’a pas de frontière, que la Vérité est une quête, et que le silence partagé peut valoir tous les serments.
Portrait de Bathilde d'Orléans, duchesse de Bourbon par Pierre Adrien Le Beau, 1774
Portrait de Bathilde d’Orléans, duchesse de Bourbon par Pierre Adrien Le Beau, 1774
Les Cahiers Bathilde Vérité n°4, sous la direction éclairée de Liliane Mirville, nous offrent ainsi une Loge de papier, une Tenue de l’âme, une constellation pour les nuits les plus noires. Chaque article, chaque nom, chaque fragment, y devient étoile. Et si le désir en est le fil conducteur, c’est parce qu’il est le nom caché du feu sacré. Il appartient désormais à chacune, à chacun, de tracer son propre itinéraire dans cette voûte infinie.
Numérilivre, logo
Numérilivre, logo
Les Cahiers Bathilde Vérité n°4 – Constellations du désir Travaux de la Loge Nationale de Recherche de la Grande Loge Féminine de France Édition Numérilivre, 2025, 140 pages, 15 €
Cela pourrait vous intéresser ...
Aller au contenu principal