L'Arbre, axe du monde et miroir de l'âme

L’Arbre, axe du monde et miroir de l’âme
Il est des livres qui n’écrivent pas seulement une pensée mais qui ouvrent un sanctuaire intérieur, une forêt sacrée dans laquelle chaque lecteur devient pèlerin. L’Arbre, de Brigitte Boudon et Philippe Guitton, n’est pas un simple hommage au végétal vénérable. Il est un rite silencieux, une ascèse poétique, un appel au retour vers le symbolique comme source vive de connaissance et de transmutation intérieure. Ici, nul discours théorique : mais une parole offerte à la manière d’un fruit mûr, qui tombe de l’arbre de la tradition pour nourrir notre soif d’unité. L’arbre, dans cet ouvrage, est un être de passage, un médiateur entre les plans du monde, un symbole fondamental qui contient en germe toute la structure du réel. Il est axe et respiration, pont et colonne, lieu de l’union des contraires. À travers lui, nous touchons à la verticalité du monde, à cette ligne invisible qui relie les profondeurs de la terre aux hauteurs du ciel. L’arbre, par sa forme même, est mandala vivant, géométrie sacrée enracinée dans l’humus, qui s’élève vers l’ineffable.
L'Arbre
L’Arbre
Mais ce que révèlent les pages les plus saisissantes de ce livre, c’est l’âme du symbole. Une âme vibrante, en perpétuelle métamorphose, que la beauté ne cesse de révéler. Car dans cette œuvre, la beauté n’est pas décor. Elle est voie. Elle est langage initiatique. Elle fait surgir le sens dans la lumière d’une forme, dans la caresse d’un mot, dans l’imaginaire d’une aquarelle. Elle devient un miroir du monde subtil, un révélateur de notre propre profondeur. Ce souffle de beauté s’incarne pleinement dans les aquarelles de Fanny Mesnil. Ce très beau pastel en couverture annonce déjà la tonalité ! Celle d’un monde qui ne se dit pas mais se laisse entrevoir. Nous notons d’ailleurs que la première de couverture est vierge de toute écriture et laisse la place à un magnifique symbole, celui de l’Arbre. Issu du lavis, il se révèle dans une gamme de noirs et de gris, légèrement mordorés, comme une silhouette surgie du brouillard primordial. L’Arbre s’élève au cœur de la composition, solitaire et souverain, tendant ses branches vers un ciel traversé de lumière. Il semble se dresser sur une crête invisible, entre deux mondes, dans une atmosphère de mystère et de seuil. Il devient ici figure totémique, axe du monde et gardien du silence, dans une vibration subtile qui préfigure l’ensemble de l’ouvrage. Fanny Mesnil, artiste peintre et illustratrice, se découvre très tôt une passion pour le lavis. Ses pinceaux, en suivant le cours magique de l’eau, explorent l’aquarelle comme un art du détour, du surgissement inattendu, du mystère en mouvement. Dans ses transparences, dans ses encres déliées, la nature s’anime, les symboles respirent, les mythes deviennent vibrants. Elle n’illustre pas le texte… Fanny Mesnil le prolonge, l’amplifie et l’accompagne dans un même élan de sensibilité.
L'Arbre, 4e de couv.
L’Arbre, 4e de couv.
La réflexion sur l’interprétation devient ici un art sacré. Loin de toute réduction intellectualiste, le symbole s’y découvre dans sa fonction alchimique, liant l’intellect et l’imaginaire, l’analyse et la poésie. Il révèle une pensée de l’unité, capable de surmonter les oppositions apparentes pour faire apparaître une vision cosmique du monde, à la fois verticale et intégrale. L’homme, s’il se reconnaît dans l’arbre, c’est parce qu’il y perçoit son propre destin initiatique : enracinement, croissance, floraison, dépouillement, résurrection. Il y découvre une mémoire enfouie, une sagesse ancestrale que les poètes, les artistes, les mystiques ont tous effleurée. Dans ces pages, la nature tout entière devient langage. Elle ne parle pas en mots, mais en vibrations. Les paysages évoqués – pins, cyprès, figuiers, oliviers, chênes – sont autant de figures archétypales, de visages de l’Un, révélant les multiples facettes d’une même vérité. À travers eux, c’est toute une cosmogonie implicite qui se déploie. Chaque arbre devient un hiéroglyphe sacré, une lettre du grand alphabet du monde. Nous sommes conviés à les lire non avec nos yeux, mais avec notre sensibilité ranimée. Les auteurs nous rappellent que le monde n’est pas à comprendre, mais à contempler. La voie symbolique, telle que la dessinent Brigitte Boudon et Philippe Guitton, est celle d’une harmonie intérieure, d’une écoute du monde, d’une disponibilité à l’invisible. Elle exige une lenteur sacrée, une humilité du regard, une réconciliation entre l’intelligence et l’intuition. Elle ne cherche pas à expliquer le réel. Elle l’habite et en épouse les courbes. Elle nous apprend à voir le monde comme un temple vivant, dont chaque arbre est une colonne, chaque feuille une prière silencieuse. À travers cette œuvre, nous touchons aux fondements même de la démarche maçonnique. L’Arbre n’y est pas seulement un symbole. Il est compagnon de route, maître intérieur, modèle d’équilibre et de paix. Il incarne cette sagesse stable, patiente, offerte, qui ne conquiert pas mais accueille. Il nous enseigne la voie du centre, du juste milieu, de la reliance. Brigitte Boudon, par sa formation philosophique et son amour du mythe, conjugue dans son écriture la clarté du discours avec la profondeur du mystère. Philippe Guitton, quant à lui, inscrit cette sagesse dans une dimension de transmission, de pédagogie de l’éveil. Ensemble, ils tissent une parole à deux voix, une parole de l’union, une parole de l’arbre. L’Arbre n’est pas un livre qu’on referme. Il est une semence déposée en nous. Une invitation à ralentir, à écouter, à ressentir. Il est un talisman végétal, un miroir vivant. Une incantation douce à la beauté du monde, à la puissance du symbole, à la nécessité de nous réenraciner pour mieux nous élever.
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L’Arbre Brigitte Boudon – Philippe Guitton – Fanny Mesnil (ill.) Éditions Ancrages, coll. Pouvoirs de symbole, 144 pages, 23,90 €
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