La spiritualité universelle de 3 cathédrales alchimiques

Il est des ouvrages qui, à peine ouverts, déposent entre nos mains non un simple texte, mais un viatique sacré. La spiritualité universelle de trois cathédrales alchimiques – De la Vierge bleue de Chartres à la Vierge rouge de Bourges de Claudine Léturgie Blanquart appartient à cette catégorie rare, où la pierre se fait Verbe, où l’architecture devient chemin de l’âme, où le lecteur, s’il consent à se dépouiller de ses certitudes, renaît en pèlerin du mystère.

Claudine Léturgie Blanquart, héritière à la fois des bâtisseurs anonymes et des hermétistes du Grand Œuvre, nous offre ici bien plus qu’une étude érudite : elle tisse une véritable fresque initiatique, en suivant la voie alchimique tracée par trois cathédrales majeures – Chartres, Tours et Bourges – que son regard pénétrant restitue dans leur splendeur opérative originelle. Née en 1954, forte d’une formation universitaire solide alliée à une longue expérience de terrain comme guide-conférencière, l’autrice allie avec grâce la rigueur du savoir à l’élan du cœur initié. En cela, elle s’inscrit dans la lignée de celles et ceux qui, depuis les compagnons du Tour de France jusqu’aux Frères de la Loge, savent que « ce que la main taille, l’esprit le doit sanctifier ».

À travers la cathédrale Notre-Dame de Chartres, Claudine Léturgie Blanquart nous entraîne d’abord dans l’Œuvre au Noir, dans ce « voyage au centre de la nuit » où le profane est invité à mourir à lui-même. Chartres n’est plus ici une simple prouesse gothique : elle devient le creuset où l’âme, alourdie de ses scories, doit s’engloutir pour renaître. La Vierge bleue, omniprésente dans les sculptures et les vitraux, n’est pas une image pieuse : elle est la Materia Prima, l’informe essentiel d’où surgira la lumière. Sous les hauts arcs de pierre et les verrières d’azur, le pèlerin se confronte à ses ténèbres intérieures, dans une cathédrale conçue comme un gigantesque V.I.T.R.I.O.L. vivant. Il s’agit de visiter la Terre, de se rectifier, et d’y découvrir la Pierre cachée, selon l’antique formule alchimique. Le parcours ne s’interrompt pas là : il s’élève avec la cathédrale Saint-Gatien de Tours, que l’autrice associe à l’Œuvre au Blanc. Ici, la blancheur n’est pas fadeur, mais pure transmutation : la lumière perce les lourdeurs de la matière, et l’âme purifiée accède à une première clarté intérieure.

Tours devient ainsi un temple de l’Illumination, un sanctuaire de la purification progressive où l’être, entre l’ombre et la lumière, apprend à discerner la voix du silence. Claudine Léturgie Blanquart nous y fait sentir, à travers la finesse des sculptures, la transparence des verrières, cette tension subtile où le visible devient l’ombre portée de l’invisible. Le blanc est ici la couleur de l’âme affranchie, lavée par les larmes du combat intérieur, prête pour l’ultime épreuve. Enfin, la cathédrale Saint-Étienne de Bourges incarne pour elle l’Œuvre au Rouge, l’accomplissement suprême du Grand Œuvre spirituel. Sous la Vierge rouge, ce n’est plus seulement la lumière que l’on contemple, mais l’union sacrée de la matière et de l’esprit. La cathédrale, par ses lignes hardies, ses sculptures puissantes, son feu intérieur, devient le lieu de la noce mystique. Bourges ne propose pas une simple élévation ; elle exige la transfiguration. L’âme alchimique, ayant traversé l’épreuve noire et l’épreuve blanche, se trouve désormais confrontée à l’épreuve de la fusion totale : fusion du haut et du bas, de l’esprit et du corps, du céleste et du terrestre. C’est ici que naît l’Homme nouveau, celui que la Franc-Maçonnerie traditionnelle nomme « fils de la Veuve », et que l’ésotérisme ancien reconnaît comme « fils de la Lumière ». Ce parcours, à travers ces trois cathédrales alchimiques – Notre-Dame de Chartres, Saint-Gatien de Tours et Saint-Étienne de Bourges – n’est pas seulement une exploration architecturale. C’est une marche intérieure, une triple initiation opérative, où l’on apprend que l’œuvre de pierre n’est que l’écho de l’œuvre de l’âme. La cathédrale, dans la vision de Claudine Léturgie Blanquart, n’est pas un monument historique figé ; elle est un organisme vivant, vibrant encore des intentions de ses constructeurs, irradiant dans la matière la sagesse silencieuse des Templiers, des Cisterciens, des bâtisseurs compagnons.

En insistant sur la spiritualité universelle que révèlent ces édifices, l’autrice fait surgir une vérité plus vaste encore : ces cathédrales ne parlent pas seulement aux chrétiens, ni aux initiés d’un seul Ordre ; elles s’adressent à tout être humain en quête de son origine et de sa destinée. Chartres, Tours et Bourges sont des portes ouvertes sur l’Unité sous-jacente à toutes les traditions : elles chantent la naissance du monde, la traversée de la nuit, l’illumination intérieure, et l’union finale de l’âme avec le Principe. La spiritualité universelle des trois cathédrales alchimiques que Claudine Léturgie Blanquart révèle ainsi n’est autre que l’écho d’une Tradition primordiale, antérieure aux dogmes et aux églises, parlant d’une Sagesse qui traverse les âges et les formes. L’ouvrage est sublimé par de nombreuses illustrations en noir et blanc, parsemé de schémas clairs et de graphiques subtils, véritable fil d’Ariane pour qui cherche à ne pas se perdre dans le labyrinthe des symboles. Chaque chapitre, chaque étape, s’achève par une conclusion lumineuse qui, loin de fermer le sens, l’ouvre à de nouvelles méditations. L’autrice prend soin de toujours préserver la liberté intérieure du lecteur, en fidèle servante du Grand Mystère. La spiritualité universelle de trois cathédrales alchimiques est un livre de feu et de rosée, un livre compagnon pour toute une vie, pour qui aspire à comprendre que les cathédrales ne furent pas bâties seulement de pierres, mais d’étoiles, de songes, et d’or intérieur.

La spiritualité universelle de 3 cathédrales alchimiques De la Vierge bleue de Chartres à la Vierge rouge de Bourges Claudine Léturgie Blanquart – Le compas dans l’œil, coll. La parole circule, 2025. 336 pages, 19 €