La Grande Profession du Rite Écossais Rectifié

La Grande Profession du Rite Écossais Rectifié
Il est des ouvrages qui, bien plus que des analyses historiques ou doctrinales, se transforment en pierre de touche pour l’intelligence maçonnique et spirituelle. La Grande Profession du Rite Écossais Rectifié, fruit du travail rigoureux de Ramón Martí Blanco, s’inscrit dans cette lignée des traités où la plume se fait glaive pour défendre la pureté originelle d’une doctrine et en rectifier les dévoiements. Loin d’une simple recension, cette note de lecture se veut une méditation maçonnique sur les enjeux de la Profession et de la Grande Profession au sein du Régime Écossais Rectifié, et sur la fidélité d’un chemin initiatique à sa vocation chrétienne.
La Grande Profession du Rite Écossais Rectifié
La Grande Profession du Rite Écossais Rectifié
Ramón Martí Blanco ne se contente pas d’exposer l’histoire et les enseignements des Classes secrètes de la Profession et de la Grande Profession au sein du Régime Écossais Rectifié. Il les examine à la lumière de la doctrine chrétienne, et c’est bien là que réside l’originalité et la force de son livre. À travers une lecture critique, appuyée sur les textes fondateurs du rite et les enseignements traditionnels de l’Église, il dénonce les éléments incompatibles avec la foi chrétienne et met en garde contre les tentations syncrétiques et gnostiques qui pourraient dénaturer le projet willermozien. Dès la préface de Pascal Gambirasio d’Asseux, le ton est donné : la Classe de la Grande Profession demeure un sujet sensible, et son contenu doctrinal soulève des questions fondamentales. Cette Classe, qui plonge ses racines dans l’héritage de Martines de Pasqually, n’a jamais été officiellement reconnue par le Convent de Wilhelmsbad (1782), qui a pourtant entériné la réforme du Rite Écossais Rectifié. De fait, le livre de Martí Blanco met en évidence cette contradiction : peut-on considérer une structure initiatique comme partie intégrante du Régime alors qu’elle n’a pas été approuvée par son instance fondatrice ?
Martinès de Pasqually (dessin de 1893)
Martinès de Pasqually (dessin de 1893)
L’ouvrage présente avec une grande clarté les principes de la Profession et de la Grande Profession. Ces Classes ne se limitent pas à un approfondissement de la doctrine willermozienne, mais impliquent une transmission de concepts directement issus du système de Martines de Pasqually. Or, selon l’auteur, certaines de ces notions sont en contradiction avec la foi chrétienne telle qu’elle est défendue par l’Église. La démarche de Martí Blanco est ici exemplaire : il ne s’agit pas d’une condamnation aveugle, mais d’un travail de discernement. Si certaines filiations de la Grande Profession revendiquent une continuité ininterrompue depuis le XVIIIe siècle, il montre qu’elles ont souvent été réintroduites de manière tardive et sous des influences diverses. Le cas espagnol, que l’auteur expose longuement, illustre les dérives possibles lorsque cette structure secrète s’affirme comme un pouvoir dans l’ombre, en concurrence avec les instances légitimes du rite. L’enjeu ici est clair : la Grande Profession ne saurait devenir un organe de gouvernance cachée au sein du Régime. Plus encore, ses enseignements ne peuvent supplanter la doctrine chrétienne professée explicitement dans les rituels du Rite Écossais Rectifié. L’ouvrage rappelle ainsi les mots du Rituel du Maître Écossais de Saint-André : « Oui, l’Ordre est chrétien. » L’analyse de Martí Blanco révèle une tension fondamentale : le Rite Écossais Rectifié peut-il intégrer des doctrines qui s’éloignent de la foi chrétienne trinitaire ? L’auteur répond par la négative et présente une démarche rectificatrice. La seule doctrine qui doit prévaloir est celle de l’Église, et non un corpus de croyances hétérodoxes transmises sous couvert d’un enseignement secret.
Jean-Baptiste Willermoz
Jean-Baptiste Willermoz
Il montre ainsi que les tentations d’un “christianisme ésotérique” ne sont qu’une déformation du christianisme authentique. Par une démonstration solide et rigoureuse, il fait le tri entre ce qui relève de la tradition légitime du rite et ce qui en est une dérive. Avec La Grande Profession du Rite Écossais Rectifié, Ramón Martí Blanco signe un livre majeur pour qui veut comprendre les débats internes au Régime Écossais Rectifié. Son analyse historique et doctrinale, combinée à une approche critique rigoureuse, permet de mieux cerner les enjeux actuels du rite. En filigrane, une réflexion plus large se dessine : toute voie initiatique digne de ce nom doit-elle s’assujettir à la doctrine qu’elle proclame, ou peut-elle se permettre de l’amender au gré des influences du temps ? L’auteur répond sans ambiguïté : la Rectification suppose une fidélité absolue à l’idéal chrétien et à la vérité initiatique. Ouvrage de salubrité intellectuelle et spirituelle, ce livre est à mettre entre les mains de tout rectifié soucieux de comprendre la vocation profonde du rite qu’il a embrassé. Plus qu’une simple note de lecture, c’est une invitation à la vigilance et à la fidélité.
Le Compas dans l'oeil, logo
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La Grande Profession du Rite Écossais Rectifié Ramón Martí Blanco – Le compas dans l’œil, coll. L’initié, 2025, 176 pages, 22 €
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