Couronnes

Couronnes
Dans le langage des symboles, la couronne incarne l’autorité, le sacré et la transcendance. Elle est la parure des rois et des empereurs, mais aussi celle des dieux et des saints. Philippe Delorme, un historien et journaliste spécialisé dans l’étude des monarchies et des grandes lignées royales, nous invite, dans cet ouvrage dense et magnifiquement illustré, à redécouvrir ce fascinant attribut du pouvoir et de la souveraineté. Dès les premières pages, l’auteur nous plonge dans l’Antiquité, époque où la couronne n’était pas encore faite de métal précieux, mais de feuillages sacrés. Le laurier, l’olivier, la vigne étaient autant de signes de reconnaissance pour les dieux et les héros. Bacchus, couronné de pampres, célébrait l’ivresse mystique, tandis que les vainqueurs des Jeux olympiques recevaient une auréole végétale en guise de récompense. Déjà, la couronne distinguait l’élu des hommes ordinaires, lui conférant une aura presque divine.
Couronnes
Couronnes
C’est en Égypte que la couronne prend sa dimension royale. Les pharaons, détenteurs de la double couronne (pschent), règnent sur les Deux Terres et affichent leur pouvoir à travers des diadèmes symbolisant leur connexion avec le divin. La tradition se poursuit dans le monde gréco-romain, où la tiare persane et le diadème hellénistique affirment la souveraineté des grands conquérants. Avec l’avènement du christianisme, la couronne devient un signe de martyr et de gloire céleste. Le Christ, par sa couronne d’épines, transforme l’emblème du triomphe terrestre en une marque d’humilité et de sacrifice. La tiare papale, quant à elle, accumule les symboles : triple couronne, elle représente le pouvoir spirituel suprême, à la fois pontifical, doctrinal et temporel. En Europe, l’histoire de la couronne s’enracine dans celle des dynasties. La mythique « couronne de Charlemagne », instrumentalisée par les souverains du Saint-Empire romain germanique, devient la mère de toutes les couronnes. Forgée d’or et sertie de pierreries, elle incarne la continuité d’un empire censé être l’héritier de Rome. En France, les Capétiens, puis les Valois et les Bourbons, feront de la couronne le centre de leur sacre, établissant un rituel codifié où l’onction divine légitime le pouvoir terrestre. L’auteur détaille avec minutie l’évolution des couronnes royales et impériales. De la couronne de fer des rois lombards à celle des Habsbourg d’Autriche, de la couronne de saint Étienne en Hongrie aux joyaux impériaux de Russie, chaque insigne raconte une histoire, une lignée, une ambition. Les fastes du couronnement ne sont pas qu’apparat : ils structurent une vision du monde où le souverain est le pontife d’un ordre sacré. La cérémonie du sacre, qui culmine avec la pose de la couronne, est une théophanie, une manifestation du divin à travers l’élu du peuple.
Philippe Delorme en 2023
Philippe Delorme en 2023
Dans les dernières pages, Philippe Delorme s’intéresse aux vestiges modernes de ce symbolisme ancestral. Si de nombreux pays ont aboli la royauté, la couronne subsiste dans l’imaginaire collectif. On la retrouve dans les armoiries des villes, dans les légendes arthuriennes, et même dans l’heroic fantasy, où elle demeure l’attribut du héros investi d’une mission quasi mystique. Elle continue d’être l’emblème du pouvoir, même dans les régimes républicains, où elle orne encore les sceaux officiels et les symboles nationaux. Cet ouvrage, bien que concis, regorge d’informations précieuses et d’iconographies remarquables. Les illustrations, qui vont de la couronne du Saint-Empire à celle de Napoléon Ier, en passant par les joyaux de la Tour de Londres et la couronne des empereurs d’Iran, sont d’une qualité exceptionnelle. Leur agencement, entre fond blanc et fond écru, donne une profondeur visuelle qui met en valeur l’éclat et la diversité des couronnes étudiées. À travers cette exploration, Philippe Delorme ne se contente pas de dresser un catalogue érudit. Il nous invite à une réflexion plus vaste sur la permanence des symboles. La couronne, au-delà de sa matérialité, est un signe initiatique : elle consacre celui qui la porte, elle le distingue, elle l’investit d’une responsabilité. Dans la tradition maçonnique, la couronne évoque aussi la maîtrise de soi, la sagesse, la lumière qui éclaire le chemin du cherchant. Elle est un rappel que le véritable pouvoir ne réside pas dans l’ornement, mais dans la connaissance et l’accomplissement spirituel.
Éd. Dervy, une marque du groupe Guy Trédaniel
Éd. Dervy, une marque du groupe Guy Trédaniel
Avec Couronnes, Philippe Delorme livre une synthèse élégante et érudite sur un attribut royal qui, bien qu’apparemment désuet, continue de hanter l’imaginaire collectif et d’exercer son pouvoir fascinant sur notre rapport au sacré et à l’autorité. Un ouvrage précieux pour les amateurs d’histoire, mais aussi pour tous ceux qui cherchent à comprendre la force des symboles dans la construction des civilisations. Couronnes Philippe Delorme – Dervy, coll. Les symboles de notre histoire, 2025, 80 pages, 12,90 €  
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